Journal de bord d'un séminariste en Terre Sainte

« Je te suivrai partout où tu iras »

Qu’il est beau cet élan de générosité, ce zèle, ce cri assuré de cet homme dans notre page d’Évangile de ce dimanche (Luc 9, 51-62) !

Oui, mais la réponse du Christ est cinglante. Car il connaît le fondement de nos élans, et sait bien comment nous alimentons nos feux de pailles pseudo-héroïques…

En ce dimanche où dans de nombreux diocèses des jeunes hommes s’engagent à donner toute leur vie au Christ, à l’Église et au monde, ces versets retentissent en nous. En effet, quelle suite donner aux appels du Christ ? Tout donner ? Se préserver ? Suivre ? S’enfuir ?

Rester tiède dans nos réponses avec des prétextes multiples et variés ?…

L’adhésion au Christ engage toute notre vie et la renouvelle. La stimule même ! Pas question de stagner, de s’habituer… nous sommes les descendants d’un peuple en marche vers la cité céleste ! Nos places ne sont pas réservées d’avance comme figées, mais nous sommes invités à élargir l’espace de notre tente… À faire bon accueil à chacun, à ouvrir notre cœur à celui qui vient. À être l’hôte de notre prochain.

Nous avons à ajuster sans cesse nos réponses à l’Amour du Christ sans jamais se croire être arrivés au terme du chemin. Le Christ est l’homme qui marche… Même la mort ne le stoppe pas ! Il descend aux enfers pour chercher ceux qui l’espéraient.

Si nous sommes libérés de tout depuis notre baptême, lâchons véritablement nos esclavages, et laissons l’Esprit souffler en nous la vie nouvelle des enfants de Dieu.


« Quand vous priez, dites : Notre Père... »

Comment doit-on prier alors ? C’est Jésus qui nous l’a enseigné : « Il dit que le Père qui est au ciel “sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous ne le lui demandiez”. Que la première parole soit donc “Père”. Telle est la clé de la prière. Sans prononcer, sans entendre cette parole, on ne peut pas prier », a dit l’évêque de Rome.

Il faut en revanche « prier le Père », celui qui nous a engendrés. Mais pas seulement ; il faut prier « notre » Père, c’est-à-dire non le Père de « tous », qui est trop anonyme et générique, mais celui « qui t’a engendré, qui t’a donné la vie, à toi, à moi », en tant que personne individuelle, a expliqué le Pape. C’est le Père « qui t’accompagne sur ton chemin », celui qui « connaît toute ta vie, toute » ; celui qui sait ce qui « est bon et qui est moins bon. Il connaît tout ». Mais cela ne suffit pas encore : « Si nous ne commençons pas la prière – a-t-il précisé – avec ces mots qui ne sont pas prononcés par les lèvres, mais par le cœur, nous ne pouvons pas prier comme des chrétiens ».

Mais – s’est encore demandé le Pape – est-ce « seulement mon père à moi ? ». Et il a répondu : « Non, c’est notre Père, parce que je ne suis pas fils unique. Aucun de nous ne l’est. Si je ne peux pas être un frère, je pourrais difficilement devenir le fils de ce Père, car c’est un Père qui est assurément le mien, mais aussi des autres, de mes frères ». De cela, a-t-il poursuivi, découle le fait que « si je ne suis pas en paix avec mes frères, je ne peux pas l’appeler Père. Ainsi s’explique pourquoi Jésus, après nous avoir enseigné le Notre Père, dit immédiatement : « En effet, si vous pardonnez leurs fautes aux autres, votre Père qui est aux cieux vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas les autres, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes ».

Le pardon entre donc en jeu. Mais « il est si difficile de pardonner les autres » a répété le Saint-Père : cela est vraiment difficile, car nous portons toujours en nous l’amertume pour ce qu’ils nous ont fait, pour le tort subi. On ne peut pas prier en conservant dans son cœur de la rancœur pour ses ennemis. « Cela – a souligné le Pape – est difficile. Oui, c’est difficile, ce n’est pas facile ». Mais, a-t-il conclu, « Jésus nous a promis l’Esprit Saint. C’est lui qui nous enseigne de l’intérieur, du cœur, à dire “Père” et à dire “notre” », et comment le dire : « en faisant la paix avec tous nos ennemis ».

extraits du commentaire du Notre Père par le Pape François (20/06/13)


Louange

Loué sois-tu Père saint pour ta Création !

Loué sois-tu Jésus Christ, toi le bon Pasteur, notre paix et notre joie !

Loué sois-tu Esprit de vie, toi le don parfait, le consolateur.

Donne-moi, Seigneur, qu’en ce jour je réponde à tes appels, et découvre ton visage en mes frères et sœurs.

Que ton Amour et ta volonté s’établissent en moi, et au cœur de notre Fraternité saint Étienne.

Que ton souffle nous pousse au large, au témoignage, et au don de toute notre vie pour toi et pour le monde.

Qu’aux prières de St Étienne, des saints et saintes du Diocèse de Meaux, de St François & Ste Claire, et du Bienheureux Charles de Foucauld, nous soyons sanctifiés dans notre vie de baptisés, assidus à la prière, disposés à l’écoute de ta Parole, fortifiés dans notre simplicité de vie et dans la joie fraternelle.

Amen


« Une culture du rebut »

Ce qui commande aujourd’hui, ce n’est pas l’homme, c’est l’argent, l’argent, le gain commande. Et Dieu notre Père a donné le devoir de garder la terre non pas à l’argent, mais à nous : aux hommes et aux femmes. Nous avons ce devoir ! En revanche, les hommes et les femmes sont sacrifiés aux idoles du profit et de la consommation : c’est la « culture du rebut ». Si un ordinateur se casse, c’est une tragédie, mais la pauvreté, les nécessités, les drames de tant de personnes finissent par faire partie de la normalité. Si une nuit d’hiver, tout près d’ici, via Ottaviano, par exemple, une personne meurt, ce n’est pas une nouvelle. Si dans tant de parties du monde, il y a des enfants qui n’ont rien à manger, ce n’est pas une nouvelle, cela semble normal. Il ne peut pas en être ainsi ! Et pourtant, ces choses entrent dans la normalité : que certaines personnes sans domicile fixe meurent de froid dans la rue, cela n’est pas une nouvelle. En revanche, une baisse de dix points dans les bourses de certaines villes représente une tragédie. Quelqu’un qui meurt, ce n’est pas une nouvelle, mais si les bourses chutent de dix points, c’est une tragédie ! Ainsi, les personnes sont mises au rebut, comme si elles étaient des déchets.

Cette « culture du rebut » tend à devenir une mentalité commune, qui contamine tout le monde. La vie humaine, la personne, ne sont plus considérées comme une valeur primaire à respecter et à garder, en particulier si elle est pauvre ou handicapée, si elle ne sert pas encore — comme l’enfant à naître — ou si elle ne sert plus — comme la personne âgée. Cette culture du rebut nous a rendus insensibles également aux gaspillages et aux déchets alimentaires, qui sont encore plus répréhensibles lorsque dans chaque partie du monde malheureusement, de nombreuses personnes et familles souffrent de la faim et de la malnutrition. Jadis, nos grands-parents faisaient très attention à ne rien jeter de la nourriture qui restait. Le consumérisme nous a poussés à nous habituer au superflu et au gaspillage quotidien de nourriture, à laquelle parfois nous ne sommes plus capables de donner la juste valeur, qui va bien au-delà des simples paramètres économiques. Rappelons-nous bien, cependant, que lorsque l’on jette de la nourriture, c’est comme si l’on volait la nourriture à la table du pauvre, à celui qui a faim ! J’invite chacun à réfléchir sur le problème de la perte et du gaspillage de la nourriture, pour identifier des façons et des moyens qui, en affrontant sérieusement cette problématique, puissent être des instruments de solidarité et de partage avec les personnes le plus dans le besoin.

Il y a plusieurs jours, en la fête du Corpus Domini, nous avons lu le récit du miracle des pains : Jésus donne à manger à la foule avec cinq pains et deux poissons. Et la conclusion du passage est importante : « Ils mangèrent et furent tous rassasiés, et ce qu’ils avaient eu de reste fut emporté : douze couffins » (Lc 9, 17). Jésus demande à ses disciples que rien ne soit perdu : pas de gaspillage ! Puis, il y a ce détail des douze couffins : pourquoi douze ? Qu’est-ce que cela signifie ? Douze est le nombre des tribus d’Israël, il représente de façon symbolique le peuple tout entier. Et cela nous dit que lorsque la nourriture est partagée de façon équitable, avec solidarité, personne ne manque du nécessaire, chaque communauté peut répondre aux besoins des plus pauvres. Écologie humaine et écologie de l’environnement vont de pair.

Pape François à l’audience du 5 juin 2013.
Le texte intégral sur www.news.va


« Une petite Pentecôte »

La Visitation

La rencontre entre la Madone et sa cousine Élisabeth est comme une sorte de « petite Pentecôte ».

Dans le récit évangélique, la Visitation suit immédiatement l’Annonciation : la Sainte Vierge, qui porte en son sein le Fils conçu par l’œuvre de l’Esprit Saint, rayonne autour d’elle de grâce et de joie spirituelle. C’est la présence de l’Esprit en Elle qui fait tressaillir de joie le Fils d’Élisabeth, Jean, destiné à préparer la voie au Fils de Dieu fait homme.

Là où se trouve Marie il y a le Christ ; et là où se trouve le Christ il y a son Esprit Saint, qui procède du Père et de Lui-même dans le saint mystère de la vie trinitaire. Les Actes des Apôtres soulignent à juste titre la présence de Marie en prière, dans le Cénacle, avec les Apôtres réunis dans l’attente de recevoir la « puissance d’En-haut ». Le « oui » de la Vierge, « fiat », attire le Don de Dieu sur l’humanité : c’est ce qui se produit à la Pentecôte, comme lors de l’Annonciation. C’est ainsi que cela continue à se produire sur le chemin de l’Église.

Réunis en prière avec Marie, nous invoquons une abondante effusion de l’Esprit Saint sur l’Église tout entière, afin qu’elle prenne le large toutes voiles dehors (…). Nous l’invoquons en particulier sur ceux qui œuvrent quotidiennement au service du Siège apostolique, afin que le travail de chacun soit toujours animé par un esprit de foi et de zèle apostolique.

Il est significatif que le dernier jour de mai soit celui de la fête de la Visitation. Avec cette conclusion, c’est comme si nous voulions dire que chaque jour de ce mois a été pour nous une sorte de visitation. Nous avons vécu au cours du mois de mai une visitation permanente, comme l’ont vécue Marie et Élisabeth. Nous sommes reconnaissants à Dieu que cet événement biblique nous soit aujourd’hui reproposé par la Liturgie.

Extraits des paroles du Pape Jean-Paul II en conclusion d’une célébration mariale au Vatican.
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Quand un À-Dieu s’envisage...

Moines de Tibhirine

Testament spirituel de Christian de Chergé

« Quand un À-Dieu s’envisage… »

S’il m’arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd’hui - d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays. Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ? Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes, laissées dans l’indifférence de l’anonymat.

Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J’aimerais, le moment venu avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C’est trop cher payer ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’Islam.

Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l’Islam qu’encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste : « Qu’il dise maintenant ce qu’il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l’Islam tels qu’Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion investis par le Don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences.

Cette vie perdue totalement mienne et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette joie-là, envers et malgré tout. Dans ce merci où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô mes amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis ! Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce merci, et cet « À-Dieu » envisagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.

Amen ! Inch’Allah !