Journal de bord d'un séminariste en Terre Sainte

« Pour tous... Pour beaucoup... »

Ces jours-ci l’Église universelle réfléchit sur les liens entre la Nouvelle évangélisation et la catéchèse. Ces questions sont importantes car elles rejoignent ce que nous lisons depuis Pâques dans le Livre des Actes des Apôtres : « Comment rejoindre nos contemporains par l’annonce de la Bonne Nouvelle ? Et comment, pour soi, approfondir notre foi et notre témoignage de vie ? ». Questions qui traversent les siècles en réalité ! Et qui sont déjà visibles dans l’Évangile de ce dimanche (Jean 15, 9-17). « L’année de la Foi » qu’ouvrira notre pape Benoît XVI (cf. Motu proprio Porta fidei), après la rentrée prochaine, nous donnera des pistes pour creuser ces interrogations.

Mais déjà, nous pouvons réfléchir personnellement sur notre attachement au Christ, sur ce que notre foi en Dieu met en mouvement en nous. Notre rencontre personnelle avec le Christ ressuscité nous invite à un déplacement, à des ruptures, à des choix en cohérence avec cette vie nouvelle qui jaillit au matin de Pâques. Le changement a eu lieu lors du don du Christ sur la Croix et à la dernière Cène, où nous sommes devenus « ses amis » et non plus que des serviteurs… La rupture profonde qui marque nos existences prend sa source dans ce cœur aimant qui se livre pour beaucoup, pour tous, pour la multitude…

C’est à une conversion de vie, du tout de notre vie, que le baptême nous introduit. Fortifiés par l’eucharistie et l’Esprit Saint, nous devenons ferments d’un monde nouveau en marche vers le Père. Nous sommes dans le monde mais pas du monde comme le souligne encore Jésus lors de son dernier repas. Nos paroles et nos actes ne sont pas seulement nos bonnes pensées et nos bonnes œuvres charitables, mais elles sont celles du Christ vivant en nous.

« C’est l’amour du Christ qui nous pousse (nous presse) » déclare saint Paul aux Corinthiens (2 Co 5, 14) à vivre en frères et sœurs, à être unis, à mettre en commun nos richesses, nos talents, nos forces… à annoncer la tendresse de Dieu. C’est cet amour qui nous presse parce que nous le vivons en nous, et non pas parce que nous devrions suivre un commandement. L’Amour ne se commande pas, mais il nous recommande de nous mettre à l’œuvre, il nous incite à aller au bout, au terme de notre vocation qui est d’aimer en vérité. C’est sans doute par ce biais que nous trouverons des réponses…


« Êtres greffés »

raisins

Image bien connue de nous tous que cette vigne, ce vigneron et ce sarment. Et l’Évangile de nous interpeller alors sur notre vie intérieure : sommes-nous desséchés ? Sommes-nous « entés » sur le Christ ?

Durant ce temps pascal, c’est l’occasion d’invoquer l’Esprit Saint sur nous pour que nous soyons baptisés par le Christ dans l’Esprit. C’est ce feu qui nous purifiera réellement et profondément. C’est ce feu d’Amour qui est répandu dans nos cœurs et qui nous conduira vers le Père… Car c’est le Christ, lui-même, qui nous le donne cet Esprit de Dieu. Lui sur qui il demeure.

Notons cette insistance dans les propos de Jésus de ce verbe « demeurer ». Il ne s’agit pas d’une petite adhésion à des valeurs si belles soient elles, mais de demeurer, d’être greffer, d’être dans le Christ. Dans sa vie même. Une vie habitée par l’Esprit du Père. Un Esprit d’Amour, de communion, de don de soi.

L’Esprit qui planait sur les eaux à la Création, l’Esprit qui psalmodiait dans le cœur du roi David, l’Esprit qui prit toute la chair de Marie, l’Esprit qui poussa les Apôtres en-dehors de leur Cénacle fermé à double tours, c’est cet Esprit que nous avons reçu. Le même qui demeure dans le Christ. Le même qui nous pousse au témoignage, et à construire une communauté vivante, rayonnante, priante et missionnaire.

Pour que le sarment donne du fruit, il doit demeurer sur le cep et recevoir de lui la nourriture prise de la terre. L’Esprit est la sève de nos vies. Sans lui, nous sommes secs, et ne donnons pas un fruit qui demeure. Disposons-nous à accueillir cette sève nouvelle, à la laisser prendre possession du tout de notre vie. Et alors, en nous demeureront toujours la vie et la joie !


À propos du 1er mai...

Puisqui’l y a travail et travail, et qui’l y a concurrence entre Joseph et Jeanne, je suggère que l’on dépasse ces faux-débats :

  1. en relisant tous les chapitres de la doctrine sociale de l’Église sur le travail,
  2. en faisant mémoire des autres saints du jour, car eux aussi ils ont suivi tous les jours le Christ par le don de leur vie aux autres,
  3. en travaillant ce 1er mai à notre sainteté !!!

« Je suis le bon pasteur... »

Arcabas - Le bon berger
Arcabas, « le bon berger » Église St Hugues de Chartreuse

La lecture de notre Évangile dominical pourrait résonner avec quelques discours politiques actuels. Certains assurent être le bon pasteur pour le pays, ils vont chercher les brebis égarées du 1er tour, et tentent de les consoler, de les ramener au bercail…

Loin de moi l’intention de faire une lecture politique de ce passage de Jean, telle celle de « la théologie de la Libération » des années 70, mais il y a sans doute à contempler le travail et la fatigue de ce bon pasteur envers ses brebis.

Notre Fraternité reprend dans ses intuitions premières (cf. texte de la Charte) ce désir d’aller vers tous, à tous. De ne pas compter les heures ni la fatigue pour que la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité rejoigne le coeur et la vie de chacun. Là où nous sommes, là où ils sont.

Il s’agit non seulement de contempler l’action de ce bon pasteur mais aussi d’enraciner nos actes dans les siens. Et de donner notre vie comme Lui.


« L’Au-delà du verset... »

« L’Au-delà du verset... »
Expression reprenant le titre d’un ouvrage paru aux Éditions de minuit (1982) du philosophe Emmanuel Levinas.

Dans l’Évangile de ce dimanche (Lc 24, 35-48), Jésus ouvre l’esprit de ses disciples à l’intelligence des Écritures. La lectio divina chrétienne puise sans doute là ses racines dans la continuité des commentaires talmudiques… Depuis des siècles, les Pères ont lu les Écritures dans ce souffle de l’Esprit permettant une liberté d’interprétation et de commentaires. Lectures qui s’appuient sur l’Ancien Testament vu comme préparation à la venue du Christ et l’expérience pascale de la Résurrection au matin de Pâques.

Aujourd’hui encore, nous avons à lire les Écritures pour y laisser Dieu se révéler à nous. Dans nos vies. Ainsi, je cherche et je suis cherché… Je suis touché par elle, elle m’atteint aux jointures… Il y a un travail d’enfantement à faire, à vivre… Les Écritures deviennent alors Parole de Vie, Parole d’un Amour indicible.

Alors enfanté par l’Esprit à cette intimité divine, j’en deviens nécessairement témoin …


Octave pascale

Arcabas - Résurrection
« Résurrection » Arcabas.

La résurrection du Christ nous invite à aller plus loin dans notre foi. Le vide du tombeau est un signe en creux. Rien d’évident dans un premier temps car c’est au-delà de ce que nous imaginons. Les Onze, les disciples d’Emmaüs, les femmes au tombeau ont mis du temps à entrer dans ce « jour nouveau », dans ce huitème jour de la Création où Dieu fait toutes choses nouvelles. Nous avons tellement envie que tout soit simple, raisonnable…

Mais il nous faut aller plus loin… avancer en eaux profondes ! Plonger, comme Pierre, pour nager vers un rivage où se tient Celui qui nous appelle par notre nom.

Et pourtant Il est Ressuscité, Il est vivant, présent. Il se fait reconnaître en son corps à ses amis par des chemins de communion. Il ne se manifeste pas en puissance mais en douceur. Il sollicite notre foi. L’appelle.

En lui, la mort est vaincue et la vie éternelle offerte à tous. Sa victoire nous promet la nôtre. Sa résurrection nous entraîne à sa suite. Certes, la mort est encore présente en nos vies, mais avec Lui nous pouvons désormais les traverser en confiance, en sachant que nous ne seront pas abandonnés. Il est Celui qui est passé au-devant de nous dans l’abîme.

Aimons-nous de cet amour fou et sans limites qui transforme cette aube pascale en premier jour d’une création nouvelle où l’Alliance avec Dieu redevient possible. Oui vraiment, vivons de cette joie pascale !